Question de société ?

(Dessin par Jennifer Charlotte Saul)

   A l’horizon 2012, les lignes politiques s’entrecroisent par-delà les clivages. La question du mariage de deux personnes de même sexe, et par voie de conséquence du droit à l’adoption, devient un enjeu majeur de la campagne à venir. Cette question de société apparaît clairement comme le vecteur de rupture avec le “Sarkozysme”, un conformisme paternaliste étouffant. Les Français sont épris – à nouveau – de liberté, d’égalité et de fraternité. La fracture sociale, qui aurait dû être résorbée par les gouvernements successifs issus de la mouvance RPR-UMP, s’est accentuée. La distinction dans le champ politique et le rejet d’anciennes connivences passent par le positionnement idéologique (tactique) sur cette question, qui convoque directement la capacité de la puissance étatique à bouleverser l’intimité des Français. Les élites sont à la traîne… Elles tentent aujourd’hui de combler un retard humiliant pour la patrie des droits de l’Homme, au regard des avancées – en la matière – d’autres grandes démocraties d’Europe occidentale, de sociétés d’Amérique latine pétries par le Catholicisme ou encore de l’Afrique du Sud. Les Français sont prêts, le terrain ayant été largement déblayé par l’instauration du Pacs, il y a maintenant douze ans.

L’accession au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe est bien plus qu’une simple orientation sociétale: elle est un enjeu culturel de vérité à soi. Alors que la démocratie française est en perte de vitesse, pour la régénérer, il faudrait en revenir à sa lettre: “Liberté, Egalité, Fraternité”. Le rejet mainte fois exprimé du droit au mariage et à l’adoption pour les personnes homosexuelles est une infirmation des principes démocratiques, s’agissant de la négation des droits civils d’une partie de la population française, sur le seul fait de leur sexualité. Et, c’est sur ce point, la question particulière du mariage gay est un véritable enjeu de “civilisation”. Bien sûr, le pragmatisme juridique vient au préalable, offrant la sécurité pour les enfants et la reconnaissance de la pleine citoyenneté pour des Français évincés de l’espace publique (et de ce qu’il comprend juridiquement). A bien y regarder, la discrimination, présente dans toutes les sphères de notre société et se nourrissant de toutes les différences (bien souvent appelées déviances), repose essentiellement sur des fondements imaginaires, des représentations fantasmées. L’instauration par la loi du droit au mariage de personnes de même sexe et du droit à l’adoption aura une valeur performative. Alors seulement, les représentations communes seront renversées, délégitimées par la voix du législateur. Le changement est donc symbolique, et quel changement quand on comprend la pesanteur de l’appareil symbolique qui permet à une société de se perpétuer.

L’enjeu est là: combattre les peurs sociales pour la différence et accepter enfin “l’indifférence aux différences”. Si le chemin, vers cet idéal démocratique si fragile à atteindre, doit passer par le renversement symbolique de valeurs conformistes sécularisées, alors soyons courageux. Parce que nos libertés et nos droits dépendent de la vigueur et de l’effectivité des libertés et des droits de tous nos concitoyens, refusons la justice de la différence pour l’équité par l’indifférence bienveillante (l’évidence citoyenne). Finalement, l’indulgence à soi passera par l’indulgence à l’autre…

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